Un article de l'équipe d'Octobre21
https://www.lequipe.fr/Football/Article ... en/1287748Maghreb FC, le blog de Nabil Djellit : Youcef Belaïli, l'autre meilleur joueur algérien
Si l'Algérie est incarnée par Riyad Mahrez, elle compte dans ses rangs un autre talent méconnu du grand public. Youcef Belaïli, ailier gauche au parcours controversé, enchaîne les performances époustouflantes sous le mandat de Djamel Belmadi.Citation:
Nabil Djellit
mis à jour le 1 octobre 2021 à 14h51
Le diagnostic est clinique. « Le talent de Youcef Belaïli, ajouté au professionnalisme d'Aïssa Mandi, aurait permis au joueur d'évoluer au moins à Tottenham ou à l'Atlético de Madrid. Je suis sûr de ce que je dis. Il a tellement de talent. J'aurais voulu qu'il soit plus constant, qu'il ait un bon environnement autour de lui, qu'il comprenne qu'on n'a qu'une carrière, qu'il ne faut pas avoir de regrets. C'est ça qui fait un peu mal... » Djamel Belmadi, le sélectionneur des Fennecs, résume l'histoire de Youcef Belaïli, sans concession.
Impliqué sur 20 buts en 25 sélections (il a inscrit 5 buts, offert 13 passes décisives et obtenu 2 penalties), Youcef Belaïli, 29 ans, s'avère impressionnant avec sa sélection nationale. Lors de la dernière CAN, beaucoup d'observateurs ont même estimé qu'il méritait le titre de meilleur joueur de la compétition, finalement attribué à son compatriote Ismaël Bennacer. Pourtant, celui qui épate toute l'Afrique n'évolue qu'au sein d'un modeste club qatarien (Qatar SC)... Cette anomalie sportive est le fruit d'une trajectoire tortueuse, où se sont mêlés des frasques, des mauvais choix et des excès à mille lieues de son statut d'immense espoir du début des années 2010.
Attendu en 2012 à Caen, où son maillot était déjà floqué dans le vestiaire, il devait remplacer Romain Hamouma, L'Algérien fait un autre choix, son père aussi, arrêté à l'aéroport d'Alger avec du cash non déclaré (230 000 € dans sa valise...). Il laisse passer son visa sportif pour l'Europe et rejoint un grand d'Afrique, l'Espérance Tunis. « Je suis arrivé en même temps que lui au club, je ne le connaissais pas du tout, raconte Hocine Ragued, son ancien coéquipier. Mais tout de suite, je remarque un joueur techniquement fort, créatif, avec des qualités de percussion. Je me dis direct qu'il est taillé pour le haut niveau en Europe. »
En l'espace de trois saisons, Belaïli se taille une réputation tonitruante sur le continent africain. « Belaili ? C'est la technique d'un Maghrébin avec des jambes de Nigérian ! Il est excellent dans la conservation du ballon et il passe dans des trous de souris avec une puissance incroyable », ajoute l'ex-international tunisien. En 2014, l'USM Alger casse sa tirelire pour le recruter avec un salaire alors impensable en Afrique (70 000 €). Mais, l'aventure va tourner court... L'Oranais aime un peu trop la fête, les excès et les cabarets de fin de soirée. En 2015, c'est la sortie de route, dans les vices de la vie nocturne algéroise. Tout juste convoqué en sélection pour la première fois par Christian Gourcuff, il est contrôlé positif à la cocaïne après un match de Ligue des champions africaine. Le couperet tombe : quatre ans de suspension, une peine réduite à deux ans après un appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).
« C'était difficile pour moi de le surveiller, avouait son père Hafid à El Heddaf TV. Il habitait seul à Alger et moi, je suis presque tout le temps à Oran. D'après ce que j'ai entendu, il avait des amis, et à cause d'eux, il a commencé à sortir la nuit et s'amuser. » Il voit son contrat XXL résilié par l'USM Alger, traverse le désert puis la mer pour rebondir à Angers sous l'impulsion du président Saïd Chabane. Enfin la rédemption ? L'expérience vire au fiasco. Le joueur reste en salle d'attente.
Stéphane Moulin, son ancien entraîneur au SCO, nous éclaire sur son passage : « On lui a tendu la main, offert une deuxième chance car cela correspondait parfaitement aux valeurs de notre club. Quand il est arrivé, il sortait d'une opération du genou. Il n'a jamais réellement réussi à revenir. C'est un regret de ne pas l'avoir eu au top comme lors de la dernière CAN. Sur les qualités, il n'y a rien à dire, c'est un joueur très fort sur le plan technique, très déroutant, on le voyait bien lors des entraînements... »
Après la CAN XXL de l'ailier, Saïd Chabane, amoureux du joueur, a tenté de le faire revenir. En vain. Ce retour à la lumière, l'ostracisé le doit à Djamel Belmadi. Le sélectionneur lui fait confiance et Youcef ne laisse pas passer sa chance. « L'Algérie, c'est son club de haut niveau, analyse Hocine Ragued. Je sais que son pays est important pour lui. Cela passe devant tout. Belmadi a très bien cerné le personnage. Il s'est imposé face à un joueur comme Yacine Brahimi, je l'ai vu faire des efforts qu'il ne faisait pas forcément avec l'Espérance. Il mérite largement d'être aussi connu que Mahrez et les autres. Sa place est dans un très bon club européen. »
Même constat pour Fousseni Diawara, sélectionneur adjoint du Mali : « Avant la CAN, on a joué un amical contre l'Algérie. Je ne le connaissais pas. Je me suis dit : ''Mais qui est ce joueur ?'' Si l'Algérie en est là, il y est pour beaucoup. Il joue sans problème dans n'importe quel gros championnat... En France, des clubs comme Saint-Étienne, Lens voire l'OM lui conviendraient. C'est un très très bon joueur. »
Salim Arrache, ex-joueur de l'OM, l'aurait bien vu dans son club de coeur : « C'est incompréhensible qu'aucun club de L1 ne se soit positionné sur un tel talent... Je ne comprends pas, il a tout ! À l'OM, une ville comme Marseille où il y a beaucoup d'Algériens, ils auraient dû le prendre. » L'ancien international algérien poursuit, en transe : « Il est 100 fois plus fort que Konrad ou Ünder. C'est mon avis.... Cela coûterait 2 ou 3 M€ de transfert, et pas un salaire insurmontable Le football c'est très bizarre. »
Des choix de carrière pas toujours heureux
Ce déficit de notoriété en Europe, l'Algérien le doit aussi à un entourage intrusif, qui a conditionné ses choix. Son père a en grande partie géré sa carrière et les changements de clubs intempestifs n'ont pas rassuré sur l'autre rive de la Méditerranée. Hocine Ragued a une autre lecture : « Youcef a besoin d'être aimé, il a besoin de ressentir de la convivialité, de la chaleur. C'est un joueur conditionné par son environnement, un talent fait pour le show. Ce sont des paramètres importants qui vont au-delà des qualités intrinsèques. En Europe, dans un cadre plus strict, est-ce qu'il aurait été heureux ? »
À 29 ans, Youcef Belaili ne connaîtra certainement plus d'expérience au très haut niveau en Europe. C'est bien avec l'Algérie qu'il peut encore émerveiller le monde du football, en cas de qualification à la prochaine Coupe du monde. L'ex-mauvais garçon n'a pas encore bouclé son sentier de la rédemption.
On peut noter la partie sur son passage au SCO avec une version plutôt différente de ce qu'on a lu/entendu depuis hier.