: [lequipe] Pourquoi Pape Matar Sarr (Metz) affole-t-il le mercato ?
Pépite formée à Génération Foot, le centre de formation sénégalais partenaire du FC Metz, le milieu polyvalent Pape Matar Sarr (18 ans) a déjà étalé de telles qualités en L1 qu'il est convoité par de nombreux clubs en vue du prochain mercato estival. Nous détaillons ses atouts.
De grands clubs européens, en particulier Manchester City et le FC Barcelone, le suivaient déjà de près pendant sa formation à Génération Foot, académie située au Sénégal officiellement partenaire du FC Metz depuis 2003 et pour encore au moins dix ans. Arrivé en Lorraine en septembre, le prodige de 18 ans est depuis déjà devenu international sénégalais (1 sélection) et a laissé entrevoir en Ligue 1 son immense potentiel de milieu polyvalent complet.
Sous contrat jusqu'en juin 2025 chez les Grenats - où il a disputé 24 matches et inscrit 4 buts toutes compétitions confondues, dont 21 rencontres (3 buts) en L1 - il apparaît convoité par de nombreux clubs européens, dont l'OGC Nice, et en particulier en Premier League (Chelsea, Everton, Newcastle, Aston Villa...). Il pourrait même permettre à Metz de battre le record de sa plus grosse vente, établi en 2017 avec 17 M€, lors du départ d'un autre Sarr, Ismaïla, à Rennes.
Mais son entraîneur, Frédéric Antonetti (prolongé avec tout son staff jusqu'en 2024), ne veut surtout pas le voir s'envoler dès cet été. Car il a une marge de progression énorme, sur la base de qualités footballistiques déjà bien affirmées, ici décortiquées.
Une grande variété technique et de la maturité
Ce qui frappe en premier lieu quand on observe jouer Pape Matar Sarr, c'est la diversité de sa panoplie technique, associée à une maturité étonnante pour son jeune âge (18 ans, donc). « Il a la fibre du footeux, il sent le jeu avec des éléments qui sont totalement innés et ne peuvent pas se travailler », explique Alain Giresse, ex-sélectionneur du Sénégal (2013-2015), qui suit de près ce garçon, dont le père, Sidath, a été son adjoint en charge des gardiens.
L'ex-meneur de jeu des Bleus poursuit : « Il y a un élément qui ne trompe pas et démontre bien qu'il est déjà mature dans son jeu. C'est la façon dont il utilise le jeu long à bon escient et en osant le faire assez souvent. Car pour cela, il faut déjà savoir analyser les espaces et les déplacements de ses équipiers avec une certaine précision. Il assume complètement cette possibilité. »
Et le site « Fbref », spécialisé dans les statistiques, confirme bien cette impression : sachant qu'il réussit en général 85,8 % de ses passes, ce qui est déjà intéressant, il a un taux de réussite sur les passes longues, soit celles de plus de trente mètres, qui s'élève à 75,2 %. C'est par exemple supérieur à celui de Paul Pogba (Manchester United, 66,8 %), dont c'est une grande force.
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Pape Matar Sarr réussit ici une ouverture millimétrée de plus de trente mètres pour Ibrahima Niane, qui va se retrouver en excellente position.
Olivier Perrin, directeur du centre de formation du FC Metz qui a officié pendant six ans à Génération Foot (2012-2018) et se trouve actuellement au Sénégal, a toujours observé qu'il était aussi très précieux dans le jeu court : « Il réussit souvent des petits décalages qui semblent tout simples, mais qui sont très importants, notamment pour les latéraux. C'est toujours bien dosé, la passe n'est jamais trop forte ni trop lente et il associe cela à une excellente lecture du jeu. En plus, en particulier grâce au travail de Frédéric Antonetti (son coach) qui l'a énormément fait travailler sur son positionnement, il a beaucoup progressé dans l'anticipation. Comme c'est un joueur très relâché, il a toujours un petit temps d'avance dans le démarquage et sa capacité à effectuer la bonne passe au bon moment. Quand il réalise une passe, il sait déjà ce qu'il va faire après dans son déplacement. Il est très vite actif, en mouvement et réactif, ce qui est vraiment rare pour un jeune joueur. En cela, il me rappelle Miralem Pjanic » (31 ans, actuel milieu du Barça, formé à Metz, qu'il a quitté pour Lyon en 2008, à 18 ans, justement).
Une capacité à se projeter sans cesse vers l'avant
Même s'il a forcément encore du déchet, il est aussi très fort dans ses dribbles de dégagement et par sa propension à réussir ses prises de balle et ses contrôles toujours vers l'avant. Ainsi, dans les courses progressives, donc celles où le joueur permet à son équipe de faire progresser la balle dans adverse, il se situe, avec 6,94 courses par 90 minutes, dans les meilleurs des cinq grands Championnats européens à son poste, toujours selon « Fbref ».
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Il dégage une puissance assez exceptionnelle, comme l'illustre cette action face à un Lensois qu'il va éliminer avec une facilité déconcertante après un contrôle dos au jeu et une volte-face express pour se projeter vers l'avant.
Olivier Perrin précise : « C'est quelqu'un qui a eu très tôt de l'endurance car il a l'énergie juste. Il sait se gérer, car tout en étant dans le relâchement, il a une excellente VMA (vitesse maximale aérobie). Il est capable de voir tout très vite, en sachant répéter les efforts. Cela lui permet de garder un certain niveau, même quand il est un peu moins bien. C'est très rare qu'un joueur aussi jeune soit aussi régulier dans ses performances. C'est exactement ce qui séduit les grands clubs... »
Un énorme volume à la récupération
«...avec aussi sa justesse d'analyse et son excellente lecture du jeu, le tout dans un niveau d'intensité élevée, ce qui lui permet d'être à son aise aussi dans l'aspect défensif, où il se reconvertit très vite, bien davantage que Pjanic », prolonge Perrin. Et même dans des proportions assez bluffantes pour un joueur aussi fin techniquement par ailleurs. Ainsi « Fbref » révèle qu'en pourcentage de dribbles adverses tentés arrêtés et de « pressions réussies », soit celles qui ont permis à son équipe de récupérer le ballon, il est aussi performant que... N'Golo Kanté (Chelsea), référence absolue dans ces domaines, avec respectivement 47,9 % et 34,6 % contre 48,3 % et 34,1 % au champion du monde. Même s'il faut bien sûr relativiser ces chiffres, dans la mesure où ce dernier les réalise en Premier League alors que Sarr les accomplit « seulement » en Ligue 1.
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Grâce à son excellente lecture du jeu et son sens de l'anticipation, Sarr coupe beaucoup de lignes de passes adverses comme ici contre Dijon, où il intercepte, récupère et repart tout de suite vers l'avant.
Alain Giresse complète : « Concernant le travail de récupération, bien défendre consiste à savoir se placer et à savoir intervenir au bon moment, sans se jeter à tort et à travers. Pape Matar se jette très peu et quand il tacle, ce n'est jamais pour rien. On en revient toujours à l'intelligence de jeu, qui vaut aussi pour le côté défensif... »
Un excellent jeu aérien
«...comme dans le jeu de tête. Le timing, cela se travaille et cela se sent. Il sait à quel moment il faut sauter et de quelle manière se placer », poursuit Giresse. Les stats sur les duels aériens sont assez parlantes aussi. Il en remporte 61,1 %, soit là encore, comme pour le jeu long, davantage que Paul Pogba (59,1 %), avec la même nuance que pour Kanté : il s'agit de L1 comparée à de la Premier League.
Il doit bien sûr encore améliorer sa précision dans le jeu offensif aérien. « Pour un joueur 1,80 m, c'est très intéressant. Il a toujours eu un bon jeu de tête depuis son plus jeune âge et on l'a beaucoup cultivé, car c'est un élément important dans la palette d'un milieu complet comme lui », relève Perrin.
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Pape Matar Sarr s'élève parfaitement pour dominer le défenseur bordelais. Sa reprise de la tête lobée retombera juste au-dessus de la barre transversale.
Des frappes de balle de droitier puissantes et variées
Ses quatre buts, les trois inscrits en L1, à Brest (4-2), contre Montpellier (1-1) et à Dijon (5-1), comme celui marqué en Coupe de France en seizièmes, à Valenciennes, (L2, 4-) ont un point commun frappant : il s'agit justement de grosses, puissantes et précises frappes de balle du pied droit (trois sur quatre en dehors de la surface de réparation).
Avec huit tirs cadrés sur 27 tentés en L 1 (soit 29,6 %), il doit bien sûr gagner en précision. Mais il s'est quand même déjà bien fait remarquer dans cet exercice.
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Pape Matar Sarr a déjà parfaitement positionné son corps et va réussir une reprise de l'intérieur du pied droit de 25 mètres puissance et précise qui va heurter le poteau avant d'entrer dans le but (à Valenciennes, en Coupe, 4-0).
Olivier Perrin, lui, se souvient de sa surpuissante frappe sur la barre transversale, contre Lyon (1-3), lors de sa deuxième apparition en L1, le 6 décembre : « Entre sa prise de balle et son tir, il y a eu très peu de temps. Même un grand gardien comme Anthony Lopes a été surpris ! Souvent, les plus jeunes joueurs n'ont pas encore ce relâchement et cette soudaineté dans leurs frappes. Celles de Pape Matar sont fortes, dynamiques, bien placées. C'est souvent précis et surprenant, il y a aussi de la variété. Avec les équipes de jeunes du Sénégal (U17 et U20), il avait déjà inscrit plusieurs buts assez exceptionnels sur des frappes lointaines... »
Conclusion : attention à ne pas brûler les étapes
On l'a vu, Pape Matar Sarr est pétri de talent et possède de multiples atouts dans son jeu, qui en font un milieu extrêmement complet et intelligent capable de s'adapter à tous les systèmes et à tous les adversaires. Mais cela reste « un très jeune joueur, qui a encore énormément à apprendre », comme aime le répéter son entraîneur à Metz, Frédéric Antonetti, très soucieux de le protéger. Le technicien lorrain avait ainsi confié que son adaptation à la France avait été « très compliquée », qu'il avait « beaucoup pleuré » et qu'il avait « fallu énormément l'aider, l'accompagner, l'entourer ».
Logiquement, Alain Giresse prône donc la stabilité pour ce si prometteur élément : « Il a certes de la maturité dans son jeu, mais il n'a pas encore la maturité mentale pour affronter dans l'immédiat les exigences d'un grand club. Il faut faire très attention. Sachant qu'il sera de plus en plus attendu et surveillé par ses adversaires, qui le connaîtront désormais parfaitement, il va devoir s'affirmer et confirmer. »
Pour Olivier Perrin aussi, une saison de plus à Metz apparaît fortement recommandée : « Il va falloir être très attentif à l'aspect psychologique et à la gestion des émotions. Par exemple, on ne sait pas comment il va évoluer et réagir dans des stades pleins. C'est un paramètre important. » En effet, Sarr n'a connu jusqu'ici que les huis clos. Ce qui est vraiment dommage pour les spectateurs...
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